C'était bien la première fois que les commerçants de la rue ne la voyaient pas trottiner de son pas décidé, détendue et souriante le long de leurs vitrines.
On l'a devinait mal à l'aise, hésitante, déstabilisée. Elle croisait sans les reconnaître des
gens qui pourtant la saluait. Son regard parcourait les devantures sans en remarquer le contenu, uniquement attiré, comme le sont les papillons de nuit, par la lumière. Ce n'est qu'au pied de son immeuble qu'elle parut sortir de sa léthargie. Elle eut un geste comme pour chasser de vilaines pensées et pénétra dans le bâtiment. En réalité elle appréhendait les derniers mètres qui la séparaient de chez elle. Ce soir là, elle se surprit à penser que l'ascenseur allait beaucoup trop vite. Elle se retrouva tout à coup devant sa porte. Ses clés lui échappèrent des mains et elle dut s'y reprendre à plusieurs reprises afin de les ramasser.
Après avoir bataillé avec la serrure que ses doigts fébriles n'arrivaient pas à maitriser, elle pénétra enfin dans l'appartement. Le "c'est moi" qu'elle avait minutieusement préparé et qu'elle lança à la cantonade sitôt la porte franchie sonna à ses oreilles aussi faux que possible. Le moment tant redouté était arrivé.
Son mari, l'homme qu'elle avait trompé durant une bonne partie de l'après midi avec un inconnu, client de l'agence où elle travaillait au cours d'une visite d'appartement était bien là et semblait même l'attendre impatiemment. Sans lui laisser le temps de dire un mot, il lui reprocha son retard. "Tu as certainement oublié que nous sommes les invités de mon nouveau chef de secteur " lui dit-il, acerbe.
Elle en fut comme soulagée, un retard....un oubli, ce ne sont pas là, pour une femme, des griefs bien importants et tant de raisons plausibles peuvent servir d'explication.
Elle préféra ne pas envenimer les choses et se jeta sous la douche. Elle se frictionna vigoureusement afin d'éliminer les odeurs tenaces de mâle et se sexe qui semblaient lui coller à la peau. Ce fut aussi pour elle un répit mis à profit pour faire le point. Cela avait été si rapide, si imprévue qu'elle en restait encore incrédule. Bien sûr, l'homme était séduisant et avait fait preuve d'une grande maîtrise. Une grande dextérité aussi, comme si, devinant ses points faibles, il les avait mit à profit pour parvenir à ses fins. Et des points faibles, Dieu qu'elle en avait. Elle se connaissait assez pour les énumérer tous. Son tempérament tout d'abord, toujours prêt à enflammer ce corps qu'elle avait tant bien que mal domestiqué depuis la rencontre avec son mari, qu'elle aimait et qu'elle n'avait, jusqu'à ce jour, jamais trompé. Son imagination également pourvoyeuse de tant d'images, intimes et précises qui la travaillaient certaines nuit, la tirant du sommeil, haletante, ruisselante. Quand à certaines parties de son anatomie, s'ils étaient de véritables appâts pour les prédateurs de tout poil, ils se révélaient, par une sorte de réciprocité troublante, être également leurs meilleurs atouts dans la conquête de leur propriétaire. Véritable laisser passer offert à ceux qui savaient les saisir de leurs mains expertes. Elle avait des seins magnifiques, une poitrine, fière et opulente qui attirait immanquablement les regards concupiscents et les mains exploratrices des hommes, mais pas que....certaines femmes s'y seraient également bien nichées. Chez elle, c'était le maillon faible, de ceux qui ouvre toutes grandes les portes de la félicité et de son jardin le plus intime, cette oasis qu'elle offrait sans retenue à celui qui savait en découvrir les clés. Loin d'être des barrages et un rempart à sa vertue, ses deux imposants globes de chair si sensibles, tactiles et érectiles, avaient été de tout temps les alliés de ses conquérants mâles et parfois femelles.
A maintes reprises ils lui avaient fait rendre les armes et vaincue par le désir, passer, avec délice il est vrai, sous les fourches caudines de l'adversaire. Pire, elle en prévoyait parfois par avance la caresse, l'embrasement de son ventre qui en résulterait et son imagination enflammée faisait le reste. Cet inconnu l'avait d'instinct parfaitement compris. Insolemment, sans rien demander, il l'avait prise comme on cueille une fleur, sans en demander la permission, dans le jardin du voisin. D'autorité et sans état d'âme, il l'avait possédé, de toutes les façons et dans toutes les positions possible. Elle s'était entendu gémir, crier à plusieurs reprises, supplier qu'encore et encore il l'a reprenne, ivre de plaisir même et surtout sous la fessée que son bourreau n'avait pas manqué de lui infliger au moment opportun, ce qui était une première pour elle. Elle en ressentait encore le feu cuisant sur ses fesses. Dominée, elle lui avait tout cédé, tout donné et il avait tout pris avant de l'abandonner encore meurtrie et pantelante emmenant sa petite culotte comme on emporte un trophée.
Le temps de reprendre ses esprits, elle était seule. Il était parti et elle ne connaissait pas même son prénom. Sur la route qui la ramenait chez elle, une seule question l'avait taraudé cent fois et cent fois elle n'avait pu y répondre. Tout dire ou se taire, arranger la vérité ou jouer les amnésiques...? L'urgence l'avait sauvé momentanément de ce dilemme et maintenant, tapie sur la banquette arrière de ce taxi qui les emmenait vers le restaurant elle se demandait si, tout compte fait, dans le but louable de sauver son couple elle ne devait pas garder par devers elle ce petit incident de parcours imprévu mais, à bien y regarder, innocent et surtout ......diablement excitant et le ranger dans un petit coin de son jardin secret.
C'est dans cet état d'esprit, parfaitement rassérénée, qu'elle pénétra dans l'établissement au bras de son mari.
Un serveur les guida jusqu'à une table ou leur compagnon de soirée les avait précédé. Celui-ci se leva pour les saluer. Elle senti alors ses jambes se dérober sous elle et dut s'appuyer au dossier d'une chaise pour ne pas s'affaisser. Lui, c'était bien lui qui un sourire narquois dessiné aux coins des lèvres l'accueillait d'un "Madame, Je suis très heureux de faire votre connaissance ".